Installation interactive, 2009/10
Sophie Itey et Joseph Larralde
Problématique :
L’image n’est-elle pas qu’un reflet impalpable ?
Description :
Cette installation est un miroir numérique, dont le comportement guide le spect-acteur dans un jeu avec son image, et par delà avec lui-même. Pourtant une frustration peut naître chez celui ci, ne contrôlant pas tout le processus de transformation. Son image est fragmentée, déformée et toujours reconstituée. L’environnement sonore vient interagir lui aussi avec le reflet et l’action du spectateur.
Ce contemplateur n’est pourtant pas comparable à Narcisse, mais l’installation se joue de ce mythe, pour influencer celui-ci à venir se contempler. Pourtant au lieu de se construire, il se déconstruit peu à peu, se perd dans sa propre image, jusqu’à reprendre possession de celle-ci.
Ce miroir numérique pose le spectateur comme acteur de sa propre image; il entre dans la triangulation « sujet/miroir/surface », propre à l’autoportrait, et aux regards que les artistes posent sur eux-mêmes, à travers le miroir (qui les aide dans leurs représentations). Ces auto-représentations ne sont pas uniquement physiques, mais attestent d’une volonté d’y inscrire une image mentale, liée à leur introspection.
Dans Narcisse, le spectateur est placé face à lui-même, devant son reflet, avec lequel une intimité peut s’installer. En se livrant à lui-même, c’est à l’œuvre qu’il se dévoile. L’expérience intimiste que suggère le dispositif permet aux visiteurs de s’en saisir.
La fluidité du toucher virtuel rend un mouvement poétique du visuel et du sonore, qui nous entraîne dans une rêverie tel Narcisse se noyant dans son reflet. La réactivité du miroir face à l’individu lui confère un caractère sensible immédiat aux yeux de ce dernier.
Narcisse a plusieurs facettes :
- celle de l’objet sensible avec lequel on désire jouer tel un instrument.
- celle du miroir, surface lisse témoignant d’un calme ambiant profond, comme une invitation au recueillement.
Il répond non seulement à celui qui le questionne, mais réagit aussi à l’environnement dans lequel on le positionne.
Narcisse est un miroir augmenté, une sorte de miroir magique nous renvoyant, outre notre image, un certain témoignage de notre état intérieur.
Un transfert d’énergie s’opère entre le spect-acteur et l’œuvre, les gestes de celui-ci induisent un déploiement d’énergie visuelle et sonore.
Le son joue un rôle de « pont » entre le monde réel et son reflet fragmenté : il rend compte simultanément de l’énergie développée par le spectateur et de celle développée par la surface sensible réactive, formant ainsi une sorte de liant.
Cette œuvre témoigne d’une réévaluation de l’individu dans la société, en le mettant au centre du sujet et de l’œuvre, en lui donnant la possibilité d’être le créateur de son image et de la représentation qui en est donnée par l’installation.
Le rôle du miroir est d’ouvrir un champ d’expériences, différent de celui que l’on peut avoir devant un vrai miroir, car le reflet qui en est donné passe par le jeu de l’image de soi, avec sa représentation, plutôt qu’un jeu sur le visage directement. Les rôles du corps et du geste sont très importants dans ce projet, car c’est avec eux que le jeu se produit, que le mouvement se transpose à l’image et dans l’espace réel.
Le sujet se trouve face à l’œuvre dans une volonté de saisir sa propre image, de se saisir de l’image virtuelle de sa représentation qui se laisse appréhender. Il se trouve donc bien dans un un jeu du « je » et devient sa propre matière (révélant ainsi le rôle créateur de l’artiste dans l’autoportrait).
C’est le « regardeur » qui est observé, et c’est lui aussi qui fait l’œuvre et lui donne du sens. Narcisse est conçu comme un système participatif, relationnel et intime, montrant le rapport relationnel que l’on peut entretenir avec un objet, tant il est animé par une image de soi dont on aimerait arriver à se saisir.
Narcisse donne l’illusion au spectateur que son image lui est palpable.
Dispositif :
L’installation se compose d’un cadre de miroir contenant un écran LCD, une webcam et des hauts-parleurs. Le spectateur est donc filmé et ses mouvements analysés afin de faire réagir les fragments qui reflètent son image.
L’interface de Narcisse tente de rapprocher l’homme de la machine, mais se trouve dans une interstice.
La programmation a été faite en Pure Data avec Gem